Epinglé par la justice, le patron de
Microsoft lance son nouveau rouleau compresseur : Windows 98. Le consommateur
est-il piégé ?
La mégalo de Microsoft, c'est très hard.
La révolte gronde. Après la fascination, le ras-le-bol. Ce type est malade. Quand on équipe 85% des ordinateurs de la planète, pourquoi en vouloir plus ? "Il se pourrait que l'univers n'existe que pour moi. Si c'était vrai, je dois admettre que cela me ferait plaisir", avoue ce fils d'avocat de 43 ans devenu en quelques années la première fortune mondiale (familles royales exceptées).
Une question se pose pourtant : pourra-t-il porter plus d'une cravate et conduire deux Porche en même temps ? Sa volonté de puissance, ses procédés limites agacent la justice américaine qui menace Microsoft de poursuites pour entraves à la libre concurrence et vente forcée. Une peccadille sert de point de fixation : Billy-the-clic a farci son nouveau Windows 98 d'un navigateur nommé Explorer qui lui permet de contrôler l'accès à Internet, cette invention des années 80 qu'il n'a pas vu venir. Depuis cette bourde, Bill Gates s'infiltre dans toutes les cases de la "Toile" (téléachats, courrier, satellites). Son milliard de dollars de bénéfices lui permet de racheter n'importe quel concurrent ou de le vampiriser, comme il vient de le faire avec son vieil ennemi Apple en le "sauvant" de disparition. Un de ses trucs favoris : annoncer plusieurs mois à l'avance la sortie d'un nouveau produit pour geler le marché en bloquant les ventes des concurrents.
Un tel tableau de chasse n'empêche pas la plupart des journalistes français de chanter les louanges du "génie de l'informatique". Pourtant, si Bill Gates est un génie, c'est uniquement du marketing. Rien à voir avec un créateur, encore moins avec un visionnaire (ses interviews sont désolantes de platitude). Mais il sait copier sur le voisin ou lui piquer sa copie. Non seulement le fameux Windows (19)95 est très largement inspiré de ce que vendait Apple en 1989, mais les critiques sur le manque de finition du produit vont bon train. Les historiens se pencheront un jour sur ce mystère : pourquoi les plus grosses entreprises françaises balancent leur matériel fiable pour s'équiper Microsoft ? Pourquoi les consommateurs de cette fin de siècle acceptent-ils de leur ordinateur PC ce qu'ils n'acceptent pas de leur poste télé ? Panne répétées, écran qui devient bleu, et autres bogues (ratés)... Microsoft, la seule marque mondiale qui vend encore des produits sans garantie! Et sans concurrence. Bientôt tout ce qui a des puces dans la maison sera Microsoft, non seulement l'ordinateur, mais la télé, le magnétoscope, la chaîne hi-fi, le téléphone portable, en attendant la machine à café et la porte du garage.
Or c'est au moment où les pratiques de Bill ne passent plus dans son propre pays que le gouvernement français, béat, lui ouvre les bras. Bienvenue à l'Education Nationale ! Signé en grande pompe, un plan baptisé "Compétences 2000" prévoit notamment la formation de 11 000 diplômés MCP (Microsoft Certification Professional), calibrés par des cours Microsoft, sélectionnés par des questionnaires Microsoft. Engouffrés dans cette brèche, les voraces commerciaux à Bill font aujourd'hui signer à tour de bras des conventions avec des facs et des instituts supérieurs. La bénédiction de Chirac, Jospin ou Strauss-Kahn sert d'argument commercial. Merci la République !
Certes, Laurent Fabius avait fait la danse du ventre pour attirer Eurodisney en France. Mais aucun petit français n'est obligé par son école de consommer du Mickey en classe. Tandis que Microsoft, bientôt, sera laïque et obligatoire. A défaut d'être gratuit... Courage !
Les Français ont encore une solution pour bloquer Bill Gates : avoir confiance en la justice... de son pays.
Frédéric Pagès.
